Passionné de montagne et de sport, c’est tout naturellement qu’il s’est tourné il y a quelques années vers le trail.
Stéphane Ricard a 30 ans et compte déjà de nombreuses victoires. Après une très bonne saison 2012 ponctuée de remarquables performances sur de grandes épreuves du calendrier, il intègre le Team Adidas en début d’année 2013.
L’homme n’est pas passé inaperçu cet été en signant deux très belles victoires à quinze jours d’intervalle. Il créé la sensation sur le Trail Ubaye Salomon qu’il remporte pour la deuxième année consécutive en 3h53’23’’ et sur la mythique épreuve de la 6000D qu’il remporte avec Sébastien Spehler, en 6h03’34’’. Une victoire à deux où chacun a repoussé ses limites et qui nous rappelle que ce qui compte dans ce sport ce n’est pas tant de dépasser les autres que de se dépasser soi-même.
Sa victoire sur la 6000D, Stéphane ne l’attendait pas. C’était la première fois qu’il s’alignait sur une course aussi longue. Une épreuve du TTN à laquelle il participait avant tout pour assurer sa qualification aux premiers Championnats de France de trail qui auront lieu chez lui à Gap le week-end prochain.
Cet hiver, Stéphane continuera de courir… mais, en raquettes à neige cette fois. Et il ne fait pas les choses à moitié puisqu’il est titré Champion d’Europe 2011 et 2013 et Vice-Champion du Monde 2013 de la discipline. Une discipline qu’il rêverait de voir inscrite un jour au programme des Jeux Olympiques.
Entretien avec l’étoile montante du trail, entretien avec un athlète qui a fait de la polyvalence un atout, entretien avec un sportif aussi humble et discret que talentueux, entretien avec Stéphane Ricard.
Quel est votre parcours sportif ?
J’ai pratiqué le football pendant dix ans. Je pouvais intégrer le centre de formation de l’OM mais je n’ai pas voulu y aller. J’ai ensuite commencé à pratiquer le tennis, j’ai pratiqué ce sport pendant quelques années et j’ai également eu l’opportunité de donner des cours de tennis à des jeunes par la suite.
En 2006, sur un pari, j’ai participé à l’Embrunman – un triathlon longue distance autour d’Embrun semblable à l’Ironman. Je ne m’étais pas préparé spécifiquement à cette épreuve. Je faisais un peu de natation et de vélo mais sans plus. J’ai bien aimé cette expérience et me suis donc ensuite inscrit dans un club de triathlon dans lequel je suis resté pendant trois ans. Durant cette période, j’ai participé à deux ou trois triathlons, à quelques duathlons et run and bike, à quelques triathlons des neiges et j’ai participé à nouveau à l’Embrunman. En 2008, j’ai réussi à me qualifier pour Hawaï. C’est à partir de cette période – 2006 à 2008 – que j’ai pris goût aux sports d’endurance. Ceci étant, j’étais très amateur dans la pratique du triathlon. Je ne me considérais pas comme un triathlète. Je n’étais pas assez bon en natation pour performer dans ce sport.
En parallèle du triathlon, je participais parfois à des courses nature. Puis, en 2009, je me suis davantage concentré sur la course à pied et ai arrêté le triathlon. En termes d’organisation et d’emploi du temps, c’est naturellement plus facile de se concentrer sur un seul sport. Dans un premier temps, j’ai surtout participé à des trails de courte distance. C’est uniquement depuis deux ans que je participe à des épreuves de moyenne et longue distance (42 kms et plus).
Pourquoi le trail et pas la route ?
J’aime beaucoup la montagne et l’ensemble des activités sportives que l’on peut y pratiquer. J’habite en Haute-Alpes, c’est un espace qui est propice à la pratique du trail.
Votre pratique du trail a-t-elle changé depuis 2012 et votre victoire sur le Trail Ubaye Salomon ?
Avant 2012, je privilégiais les formats courts. En effet, j’ai une bonne vitesse sur 10 kms – 31’07’’, une bonne VMA, je ne veux pas perdre cette qualité.
Je m’étais initialement inscrit pour courir le 23 kms du Trail Ubaye Salomon. Puis, le matin de la course, je me suis lancé sur le 42 kms. Je n’avais jamais couru de trails sur cette distance – j’avais couru cette distance seulement sur les marathons des Ironman quelques années auparavant lorsque je faisais du tri. Je n’étais pas spécialement préparé pour cela. J’étais même sorti la veille à la fête foraine de Gap ! Puis…j’ai gagné la course ! Je ne m’attendais pas du tout à cela. Ce n’était pas tellement réfléchi. Je n’avais pas changé ma façon de m’entraîner avant cette course.
Comme c’est une course très médiatisée et que je l’ai remportée devant de très bons coureurs, comme Andy Symonds du Team Salomon notamment, cela a eu beaucoup d’impact sur la suite de ma carrière sportive.
Je me suis rendu compte que je m’en sortais pas mal sur les formats plus longs. Ma victoire à l’Ubaye m’a donné confiance en moi sur ce type de formats. Je me suis alors inscrit au Marathon des Causses que j’ai terminé sur la seconde marche du podium.
Olivier Guy, le manager du Team Adidas m’a repéré et m’a contacté. J’ai intégré le Team en début d’année 2013.
Comment vous entraînez-vous ?
J’accorde beaucoup d’importance à l’entraînement, d’autant plus que le niveau en trail a beaucoup évolué ces dernières années. Avant, il était possible de gagner une course en étant à 80% de ses capacités. Ce n’est plus possible aujourd’hui. L’entraînement est donc essentiel. Il faut bien se préparer.
Je préfère l’intensité au volume. A mon sens, cela ne sert à rien de trop courir.
Je m’entraîne beaucoup plus pendant les vacances scolaires – je suis professeur des écoles – que pendant l’année scolaire.
Je cours 7 à 8 heures par semaine. Je fais généralement deux séances de fractionnés par semaine dont une sur piste. L’été, je fais moins de fractionnés car je remplace une séance de fractionnés par une séance au seuil.
Ma saison de trail commence en avril pour se terminer en octobre. En hiver, je pratique le cross en compétition, je participe à des 10 kms et à des courses de raquettes, ce qui me permet de bien travailler et développer ma vitesse.
En été, en plus de la vitesse, je travaille les dénivelés et le seuil.
L’été, je pratique également le vélo pour remplacer totalement ou partiellement les sorties longues de CAP. Par exemple, je cours 1 heure et demi et je roule 1 heure et demi plutôt que de courir 3 heures. Je n’aime pas les sorties longues en CAP. Je n’en vois pas l’intérêt pour ma pratique. Je préfère faire une séance intense le matin puis un footing le soir plutôt qu’une sortie longue.
En vélo, je travaille surtout la puissance en effectuant beaucoup de dénivelés – ascension de cols notamment. Je roule souvent avec Mathéo Jacquemoud.
En course à pied également, je m’entraîne souvent avec des amis, même si nous n’avons pas le même niveau.
Je pratique la natation pour le renforcement musculaire.
Je fais enfin un peu de ski de fond et de ski-alpinisme, pour varier les plaisirs. Mais ce n’est pas systématique toutes les semaines. Je ne suis sorti que deux fois en ski-alpinisme cette année ! C’est difficile de pratiquer de nombreux sports lorsqu’on a une profession aussi par ailleurs, même si la mienne me laisse du temps pendant les vacances scolaires.
Je m’accorde un jour de repos par semaine.
Quelle est, parmi les courses auxquelles vous avez participé, celle que vous avez préférée ?
Le Trail Ubaye Salomon, je pense, car c’était ma première course sur une distance aussi longue et je l’ai gagnée. Je garde un très bon souvenir de ce trail.
Est-ce qu’il y a une course à laquelle vous rêveriez de participer ?
Je ne sais pas. A vrai dire, je n’ai pas encore réfléchi à ce que je ferai après les Championnats de France à Gap le 6 octobre.
Une course à laquelle je rêverais de participer mais à laquelle il me serait impossible de participer… le marathon des Jeux Olympiques !!
Est-ce qu’il y a une course où on ne vous verra jamais ?
La Diagonale des Fous. C’est une course très technique. Les sentiers ne sont pas assez roulants.
Je ne sais pas si je participerai un jour à l’UTMB.
De manière générale, les trails de plus de 100 kms ne me tentent pas pour le moment. Je ne suis pas sûr de pouvoir être performant sur ce type de format. Je ne veux pas m’aligner aujourd’hui sur ce type de courses au risque de perdre mes qualités de vitesse.
Pourriez-vous participer à des courses à étapes à l’étranger ?
Les courses au Népal m’attirent. J’y participerai certainement plus tard quand je passerai à autre chose. Pour l’instant, je veux me concentrer sur les courses en une seule étape en France. Je ne peux pas participer à dix trails dans une saison si je veux rester performant. Cet été, c’est la première fois que j’enchaînais deux courses longues à 15 jours d’intervalle – 6000D puis Trail Ubaye Salomon – et je me suis blessé. Il faut donc sélectionner quelques courses plutôt que vouloir les enchaîner.
Participez-vous également à des trails blancs ?
Je n’en fais pas beaucoup car il est difficile durant l’hiver de combiner courses en raquettes, cross et trails blancs. Je crois qu’il m’est impossible de faire une saison complète de trails – trails l’été et trails blancs l’hiver.
Par ailleurs, ce n’est pas sur les trails blancs que je suis le plus performant, je ne suis pas à l’aise avec les appuis fuyants sur la neige et je suis un peu trop lourd pour ce type d’épreuve.
Qu’est-ce que cela vous apporte au quotidien le fait d’avoir intégré le Team Adidas ?
C’est un appui considérable, au niveau de la logistique, des conseils, de l’équipement. Il y a beaucoup de détails pratiques pour lesquels je bénéficie d’une aide précieuse.
Tous les sportifs des différentes Team Adidas se réunissent une fois par an. C’est l’occasion de partager nos expériences, de créer des liens.
Puis, on participe à des stages également.
Pourriez-vous nous parler de votre pratique de la course en raquettes ?
Je pratique ce sport depuis trois ans. Ce sport me permet de casser la routine du trail. Je m’y suis mis un peu par hasard. Je connaissais quelqu’un dans mon département qui pratiquait ce sport ; je l’ai suivi.
J’ai une foulée qui s’adapte bien à la pratique de la raquette.
En 2012, j’ai participé aux Championnats du Monde de la discipline au Québec, j’ai terminé 3ème. En 2013, je suis devenu Vice-Champion du Monde lors des Championnats du Monde qui se sont déroulés en Italie, derrière l’Italien Alex Baldaccini. En 2014, je prendrai part à nouveau aux Championnats du Monde en Suède.
Peu de personnes pratiquent ce sport mais le niveau est de manière générale très élevé. Nous sommes une dizaine en France à participer à des compétitions de haut niveau.
Pour pratiquer ce sport, il faut avoir une très bonne vitesse.
Des courses de raquettes à neige sont organisées en Italie, au Japon, au Canada, en Suède par exemple mais pas en France ! En général, la distance des courses est comprise entre 8 kms – la distance des Championnats du Monde – et 12 kms. Il existe également un marathon en raquettes à neige.
Je regrette que ce sport ne soit pas reconnu en France. Il y a une véritable place pour ce sport en Italie par exemple, où Alex Baldaccini est une véritable star. 7500 personnes participent chaque année à la Ciaspolada, une course de 8 kms organisée en Italie du Nord – il y a beaucoup plus de participants que sur les trails en France ! La course est retransmise en direct à la télévision, à la radio. C’est un véritable événement. En France, nous accordons malheureusement trop de place au football au détriment d’autres sports.
Quelles sont vos prochains objectifs ?
La prochaine grosse étape pour moi, ce sont les Championnats de France à Gap le 6 octobre. Je suis allé reconnaître le parcours – 57 kms et 3200 m D+ – plusieurs fois, avec d’autres concurrents également. Je connaissais de toute façon ce lieu puisque c’est à côté de chez moi. Beaucoup de trailers sont venus ici pour faire une reco, comme Patrick Bringer, Fabien Antolinos, etc.
Je veux réussir cette épreuve qui a lieu à domicile pour moi. J’ai un peu de pression car je sais qu’on peut être moins bien le jour J alors qu’on était bien les jours précédant l’épreuve. Cela m’est arrivé aux Championnats de France de course de montagne il y a deux ans.
Il y a quelques jours, j’ai failli déclarer forfait pour Gap car je me suis blessé au pied à l’Ubaye. J’espère que ça ira mieux en fin de semaine.
Après les Championnats de France, j’irai certainement à Millau. Si je réussis les Championnats, je participerai certainement au Marathon des Causses. Si non, il est probable que je prenne le départ du Grand Trail des Templiers.
Puis, je me reposerai en fin d’année avant d’enchaîner avec les Championnats du Monde de raquettes à neige le 30 janvier prochain en Suède et avec les Championnats de France de cross au mois de mars.
Pour lire les récits des courses de Stéphane Ricard, nous vous invitons à consulter son blog : http://stephane.ricard.triathlon.over-blog.com/.