Entretien avec Benoît Laval – Le spécialiste du trail

Entretien avec Benoît Laval – Le spécialiste du trail

La passion du trail guide sa vie, sa vie quotidienne, sa vie professionnelle, ses voyages autour du monde.

Et son palmarès est à la hauteur de sa passion, exceptionnel ! Vice-champion de France en 2009, équipe de France en 2010, 9ème au Marathon des Sables, 2ème, 4ème et 5ème au Grand Raid de la Réunion, une victoire à l’Annapurna Mandala Trail au Népal, onze victoires au Défi de l’Oisans.

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Benoît Laval, 40 ans, ne s’arrête pas là. Au-delà du trail, il est un homme de défis, un touche à tout. Plus le challenge sportif est original plus cela l’intéresse. Et lorsqu’il prend le départ d’une compétition que ce soit une course sur route, un raid d’orientation, une course de raquette à neige, une course de ski alpinisme, il ne se contente pas de franchir la ligne d’arrivée, mais il se classe dans les tout premiers. Il a ainsi été 5ème au championnat de France des 100 kilomètres, 13ème au 100 kilomètres de Millau, champion du monde de raids d’orientation, trois fois vice-champion de France de raids d’orientation, deux fois champion de France de raquette à neige, 6ème à la coupe d’Europe de raquette à neige, vainqueur en mixte à la Pierra Menta, la mecque du ski alpinisme.

Et comme il ne fait pas les choses à moitié, il mène toujours ses projets professionnels et sportifs en parallèle.

Il s’est appuyé sur sa formation d’ingénieur textile à l’Ecole supérieure des techniques industrielles et des textiles (ESTIT) pour fonder Raidlight en 1999, une marque de produits de sports pour le trail, et acquérir en 2010 la société Vertical, spécialisée dans les vêtements de montagne.

Il créé, en 2011, la première Station de Trail à Saint-Pierre-de-Chartreuse, en Rhône-Alpes, où il s’est installé. Une Station de Trail est un lieu 100% dédié au trail, qui propose des parcours, des services, et des outils à la fois aux débutants désireux d’apprendre et d’être encadrés et aux passionnés. Les parcours sont balisés de la même manière que des pistes de ski avec un code couleur (vert, bleu, rouge, noir) correspondant à la difficulté du parcours (nombre de kilomètres et dénivelé). La Station de Trail comprend un espace « Stade de Trail » constitué de parcours techniques pour l’entraînement : parcours de côtes, parcours de fractionné, Kilomètre Vertical. La Station de Trail comprend aussi une base d’accueil avec des vestiaires et douches, la présentation des parcours, les conseils d’un animateur, des coachs spécialisés pour un accompagnement à la journée ou sous forme de stages, des bornes informatiques pour saisir ses chronos sur site web de la Station de Trail, un espace détente avec des tapis roulants, des fauteuils de relaxation, un sauna, et une salle de réunion pour d’éventuels séminaires.

En 2012, le concept de Station de Trail s’est transformé en réseau national avec l’implantation de deux nouvelles stations, à Villard-de-Lans et à Saint-Martin-Vésubie, le dispositif étant reconnu comme un véritable produit de diversification économique et touristique (http://www.stationdetrail.com/). Vingt Stations de Trails devraient voir le jour d’ici trois ans. En 2012, Benoît Laval créé, sur le même modèle que les Stations de Trail, le premier Espace de ski-de-rando, à Saint-Pierre-de-Chartreuse (http://www.espace-skiderando.com/).

Nous avons fait sa rencontre à son retour d’Hong-Kong où il a participé au Raidlight Lantau Trail, un 50 kilomètres au cœur de l’ile de Lantau, où il a décroché une brillante 3ème place.

Entretien avec un entrepreneur endurant au parcours impressionnant, entretien avec Benoît Laval.Benoit Laval 1

Comment est venue votre passion pour le trail ?

Je cours depuis l’âge de 10 ans. J’étais membre d’un club d’athlétisme de 10 à 18 ans. Lorsque j’avais 14-15 ans, je m’entraînais quatre fois par semaine sur piste. J’étais bon, mais je n’étais pas dans les meilleurs. Par exemple, je n’avais jamais réussi à me qualifier pour les championnats de France. J’avais des résultats honorables, mais je n’ai pas de don de la nature pour la course à pied. Un point clef de ma motivation et de ma persévérance était que nous étions un groupe de copains dans un club très sympa, l’ASPTT Paris. Et j’ai évolué dans un milieu où la course à pied était importante. Mon père et mon parrain pratiquaient beaucoup ce sport.

L’entraînement pendant toutes ces années m’a permis d’apprendre les valeurs du sport.

Ensuite pendant mes études d’ingénieur à Lille, j’étais très investi dans la vie associative et j’avais par conséquent un peu moins de temps à consacrer au sport. De la piste et ses exigences je suis passé à la course sur route, avec un 1er marathon à vingt ans.

La montagne m’a toujours attiré. En 1993, à 21 ans, j’ai traversé seul les Pyrénées de l’Atlantique à la Méditerranée, soit 520 kilomètres, en trois semaines, en complète autonomie.

Pendant le service militaire, j’ai fait le choix de devenir officier en passant par Coëtquidan Saint-Cyr, puis chef de section de chasseurs alpins à Bourg-Saint-Maurice. Je me suis éloigné de la piste et des courses sur route et j’ai commencé à pratiquer le trail et le ski de randonnée à forte dose.

C’est à partir de cette époque que j’ai commencé à m’intéresser particulièrement au trail. Le trail conjugue mes deux centres d’intérêts : la montagne et la course à pied.

En 1998, j’ai participé à mon premier trail, le Défi de l’Oisans, un trail par étapes en 6 jours de 200 kilomètres et 12 000 mètres de dénivelé positif. J’ai gagné cette course. Ce fut une révélation. J’ai pris goût à ce sport et je m’y suis spécialisé. J’ai fait d’autres courses pour lesquelles j’ai eu de bons résultats. Je me suis alors inscrit au Grand Raid de la Réunion l’année d’après, soit en 1999, et j’ai terminé…5ème, à ma grande surprise. Cela m’aurait déjà semblé extraordinaire de finir dans les vingt premiers.

A partir de là, j’ai enchaîné les trails. J’ai réalisé que c’est un sport dans lequel je peux être bon contrairement à la course sur route. Par contre, je n’ai pas souhaité me spécialiser. Je peux prendre le départ de trails de 50 kilomètres, d’ultras ou bien de trails blancs.

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Vous aimez aussi beaucoup les autres sports de montagne, raquettes, ski alpinisme, alpinisme, ski de fond, raids d’orientation. Votre pratique de ces sports est-elle aussi intense que votre pratique du trail ?

Ce que j’aime avant tout, ce sont les défis.

Par exemple, alors que je ne pratiquais pas le ski de fond, je me suis lancé le défi de terminer la Transjurassienne (épreuve de 76km). J’ai alors appris le ski de fond pour pouvoir participer à cette épreuve. J’y ai participé trois fois.

Idem, quand je me suis mis au ski alpinisme, j’ai commencé par la Pierra Menta. Aujourd’hui, je fais un peu de dénivelé en ski alpinisme pour me rendre en montagne. Cela me permet également de travailler l’endurance indispensable à la course à pied.

Un autre exemple : j’ai entendu dire qu’il y avait une course de montée des 86 étages de l’Empire State Building. Je me suis inscrit et y ai participé. Le 31 mai prochain, la même épreuve sera organisée à la Tour First à la Défense, et bien sûr j’y serais… Dans le même registre, il y a quelque jours, j’ai participé à la première course exclusivement en descente de France, la Raidlight Kilomètre Vertical Down, soit 600 mètres de dénivelé négatif sur 3 kilomètres de course sur une piste de ski alpin de Saint-Pierre-de-Chartreuse / Le Planolet.

Dès qu’un événement sportif est un peu exotique, cela m’intéresse.

Mon sport favori en compétition reste cependant le trail. Je pratique beaucoup plus le trail que les autres sports de montagne. C’est dans cette discipline que j’ai les capacités et envie de faire des bonnes performances.

J’ai pratiqué la raquette pendant quelques années. La première fois que j’ai participé à une course de raquettes, j’ai terminé 20ème. Les premiers me semblaient inaccessibles. Puis j’ai pris le temps d’étudier comment fonctionne ce sport, le matériel, etc, j’ai beaucoup travaillé et j’ai mieux compris comment y arriver. Et j’ai ensuite été champion de France dans ce domaine.

Je ne pratique quasiment plus l’alpinisme pour des questions de temps. C’est un sport qu’on peut difficilement pratiquer en dilettante. Il requière un investissement total. J’ai déjà pensé faire un 8000 mètres car j’aime les défis. Ceci étant, j’ai abandonné cette idée car le risque est tellement grand que relever un tel challenge nécessite de nombreuses années d’entraînement. Cela aurait nécessairement été au détriment de mon autre sport de prédilection qu’est le trail.

Qu’est ce qui explique, selon vous, votre réussite dans le domaine du trail ?

C’est une combinaison de différentes choses. J’ai un bon moteur que j’ai développé pendant de nombreuses années d’entraînement, même s’il ne me permettrait pas de gagner un marathon sur route. Si je devais faire un marathon sur route demain, je le terminerais en 2h40-45. Cela n’est pas exceptionnel. Ce qui me permet de réussir en trail, c’est surtout l’expérience sportive que j’ai acquise à force de m’entraîner depuis l’âge de 10 ans, la facilité que j’ai en montagne et sur les dénivelés et la volonté de me lancer toujours plus de défis. C’est la meilleure façon de progresser. Beaucoup de coureurs courent depuis 10 à 15 ans et n’osent toujours pas participer à un marathon. Je trouve que c’est dommage.

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A combien de courses participez-vous chaque année ?

Une quinzaine dans le domaine du trail et cinq ou six dans un autre sport (ski de fond, ski alpinisme, etc…).

Quelle est la course la plus difficile que vous ayez courue ?

Certaines courses sont réputées être difficiles. Parmi celles que j’ai courues, c’est certainement le Grand Raid de la Réunion qui est réputée être la plus difficile à cause du dénivelé, de la distance, du terrain escarpé. Ceci étant, je pense que la difficulté d’une course provient de son engagement, de l’investissement que l’on y consent, de ce que l’on en attend, de l’effort que l’on fait. Si je cours le Grand Raid de la Réunion tranquillement, je ne trouverais pas ce trail particulièrement difficile.

Toute course est difficile lorsque je me fais vraiment mal pour viser une bonne performance. La difficulté ne dépend pas de la durée non plus. L’ascension de l’Empire State Building a été particulièrement éprouvante même si cela ne dure que 10 minutes car c’est très très intense.

Même si cela est très frustrant au regard de la préparation préalable, le fait de devoir abandonner une course n’a jamais été un problème pour moi car le trail reste un jeu, un plaisir. Je n’ai notamment pas eu de chance avec l’UTMB. C’est une course « maudite » (lol) pour moi. J’ai pris le départ de cette course quatre fois et j’ai dû abandonner quatre fois entre le 40ème et le 60ème kilomètre. C’est ainsi, ce n’est pas bien grave.

Quelle est la course que vous préférez, à laquelle vous participez tous les ans ?

Le Défi de l’Oisans auquel j’ai participé déjà 11 fois et que je programme à nouveau cette année, notamment pour la beauté des paysages et l’ambiance. C’est le premier trail auquel j’ai participé. C’est une épreuve par étapes qui dure 6 jours ce qui permet vraiment aux participants de se mettre dedans, de ne penser qu’au trail pendant une semaine. On oublie ainsi les soucis du quotidien, on décompresse et on a vraiment le temps de faire connaissance avec les autres coureurs. J’ai présidé l’Association SMAG organisatrice du Défi de l’Oisans pendant dix ans, j’ai connu le créateur de la course et de l’association (Laurent SMAGGHE, décédé en montagne il y a une dizaine d’années), j’y suis donc aussi attaché..

Quelle est la course à laquelle vous rêveriez de participer ?

Aucune car dès que j’ai eu envie de participer à une course, je m’y suis inscrit ! Quand j’ai eu envie de courir le Marathon des Sables, j’ai pris un billet et y suis allé. Dernièrement je pensais à l’ascension de la tour Taipei 101 à Taïwan (101 étages…), je m’y inscrit pour cette année… Je pensais depuis quelques temps à la Tor des Géants, je me suis inscrit pour l’édition 2013.

La seule course à laquelle j’ai envie de participer et n’ai pas encore eu l’occasion est l’Himal Race, un raid par étapes au Népal qui consiste à traverser le pays en trois semaines. Je n’ai pas encore eu l’occasion de prendre cinq semaines de congés d’affilée en octobre-novembre donc je n’y ai pas encore participé. Ceci étant, cette course n’est pas mon rêve ultime, mais j’irais peut-être un peu plus tard.

Quelle est votre semaine type d’entraînement en course à pied ?

Je pense qu’il faut toujours faire des entraînements de qualité même pour l’ultra, sauf à avoir beaucoup de temps et à pouvoir faire des sorties longues de 3 heures tous les jours. Si on n’a pas beaucoup de temps pour faire du volume, c’est important de travailler l’intensité. Le seuil permet de progresser en endurance, le fractionné permet d’améliorer la VMA et donc le seuil, et ainsi de suite.

Le mardi, je fais du fractionné, 6 x 1000 ou 12 x 500 ou du fartlek. Le mercredi, je fais un footing. Le jeudi, je fais une séance au seuil pendant 20 à 40 minutes. Le samedi, je fais une séance de côtes. Et le dimanche, je fais une sortie longue d’1 heure 30 ou bien de 4 heures en montagne. Je cours donc généralement 60 kilomètres par semaine.

Ceci étant, mon emploi du temps est souvent bousculé à cause de mon activité professionnelle et bien souvent je n’arrive pas à respecter ce calendrier.

Pourriez-vous pratiquer un autre sport d’endurance comme le triathlon ou le vélo ?

Oui, je pourrais être passionné par un autre sport mais je n’ai pas le temps. Je ne pratique donc pas d’autres sports à part une pratique d’entraînement variée en montagne (ski de rando, ski de fond de temps en temps…).

Seriez vous intéressé par le Marathon du Pôle Nord ou le 100km de l’Antarctique ?

Cela pourrait effectivement m’intéresser ! J’ai déjà couru sous de fortes chaleur, en Lybie, au Mali ou lors du Marathon des Sables mais jamais dans le très froid. Cela pourrait être une nouvelle expérience, donc bonne expérience.

Les régions polaires pourraient-elles vous attirer ? Pourriez-vous envisager une expédition dans ces régions ?

Elles pourraient m’attirer mais je n’envisage pas d’expédition là-bas. Cela demande une technicité, un entraînement particulier. Il faut maîtriser les réflexes de survie en milieu froid et cela nécessite un apprentissage. C’est comme tout, il faut apprendre, pour l’instant ce n’est pas dans mes projets.

Quels sont vos projets ?

Cette année, je vais à nouveau participer au Marathon des Sables en avril. Mon objectif est de faire mieux que ma meilleure place en 2004, 9ème. Puis la tour 101 à Taiwan, c’est plus une course exotique pour le fun et le plaisir. Je participerai fin juin au Grand Duc, un trail de 80 kilomètres avec un dénivelé positif de 4 900 mètres au départ de Saint-Pierre-de-Chartreuse, puis au Défi de l’Oisans fin juillet. Et je prendrai le départ pour la première fois du Tor des Géants, début septembre, un trail non stop de 330 kilomètres et 24 000 mètres de dénivelé positif en Vallée d’Aoste.

Passionné par l’innovation, Laval a fondé Raidlight en 1999, une marque dédiée aux équipements de trail. En 2011, il a également ouvert la première Station de Trail en Rhône-Alpes, un espace dédié aux coureurs en pleine nature avec des parcours balisés et des installations adaptées pour les entraînements, un concept qu’il a ensuite étendu en France.

Le goût du défi est au cœur de sa philosophie sportive. Laval participe chaque année à une quinzaine de trails, dont des courses particulièrement exigeantes comme le Grand Raid de la Réunion. Bien que chaque course soit un défi, pour Laval, le plaisir et la découverte passent avant tout.